17 janv. 2007

Les salaires des profs

Parmi les professions concernées par un relèvement de l’IRPP pour les contribuables gagnant plus de 4000€ par mois (une proposition hasardeuse de François Hollande), Jean-François Copé, ministre du budget, citait « un professeur certifié en fin de carrière ». Malheureusement, la réalité est plus modeste. En fin de carrière, un professeur certifié gagne dans le meilleur des cas 2920 euros (hors classe), et plus souvent 2450 euros net par mois... A mi-carrière (8ème échelon), il gagne environ 1980 euros net par mois (des chiffres desquels il faut encore soustraire la cotisation complémentaire maladie de la Mgen).
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Salaire mensuel net d'un professeur certifié

Stagiaire: 1 300 €
Après 2 ans de carrière: 1 550 €
Après 30 ans de carrière: 2 454 € (11ème échelon) à 2 921 € (hors classe)
Source : MEN
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Ces chiffres situent les enseignants français dans la fraction supérieure des classes moyennes, juste au dessus des infirmières et des techniciens, mais loin derrière les cadres supérieurs, y compris ceux de la fonction publique (cf. ce tableau sur les salaires par métier, issu du rapport de l'Insee "Les salaires en 2006").
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Rapporté au PIB par habitant, ces niveaux de salaires classent les professeurs français nettement en dessous de la moyenne de l’OCDE. Le traitement brut d’un professeur certifié, enseignant depuis 15 ans en lycée public, représentait 1,42 fois le PIB par tête dans l’ensemble de l’OCDE, contre 1,17 fois seulement en France :
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Salaire statutaire annuel des enseignants des lycées publics, en début de carrière, après 15 ans d'exercice, et en fin de carrière, en $ US convertis aux parités de pouvoir d'achat (2004)

Rapport de l'OCDE "Regards sur l'éducation 2006"

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Les professeurs français n’ont pas toujours été aussi mal lotis. C’est à partir de 1982 que leur pouvoir d'achat s’est effondré. Alors qu’il avait augmenté de 40 % entre 1962 et 1981, le salaire net réel des professeurs a baissé de 20 % entre 1981 et 2005 (graph. 1). Un fait unique parmi les salariés, puisqu'entre 1981 et 2005, le pouvoir d’achat du salaire net moyen a augmenté de 16 %, et celui du SMIC de 24 % (Cf. l'évolution du pouvoir d'achat du salaire minimum et du salaire moyen annuels nets jusqu'en 2004, Insee, ajusté en prenant en compte l'évolution du pouvoir d'achat des salaires en 2005). Rapporté à l'évolution du salaire net moyen, le salaire relatif des profs a donc baissé de 31 % depuis 1981 ! et de 42 % depuis 1960 !
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Et il faudrait aussi prendre en compte l'évolution du temps de travail : depuis 1981, il a baissé de 15 % pour les salariés (cinquième semaine de congés payés, passage de 40 à 39 heures puis à 35 heures), mais il a augmenté chez les enseignants des lycées : les réunions se sont multipliées (heure de vie de classe, conseils pédagogiques, conseils d'enseignement, projets d'établissement, journées portes ouvertes pour les troisièmes, réunions avec les parents, journées d'harmonisation pour le bac, etc.), ce que l'indemnité de suivi et d'orientation (ISO) ne suffit pas à compenser (environ 900 euros par an pour un certifié à mi-carrière). En prenant en compte l'évolution du temps de travail, le salaire relatif des enseignants a donc baissé de 42 % depuis 1981.
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Graphique 1. Evolution du salaire réel d'un professeur certifié depuis 1960
Source: Les traitements des fonctionnaires français (1960-2004) (pdf), par Btissam Bouzidi, Touria Jaaidane, Robert Gary-Bobo -- pages 22s le cas des profs du secondaire
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Une situation qui s’explique par plusieurs raisons. D'abord, les effectifs enseignants ont explosé. Il a fallu adapter le service public en améliorant les taux d’encadrement des élèves, et en démocratisant l'accès au lycée et au supérieur. La préférence des syndicats pour les créations de postes plutôt que pour l’augmentation des salaires (cf. l'étude précitée de Robert Gary-Bobo et al.), et le choix politique du traitement scolaire du chômage expliquent également l'augmentation spectaculaire des effectifs enseignants dans le second degré :
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Graphique 2. Évolution du nombre d’enseignants (hors stagiaires) des établissements publics du second degré depuis 1962 (France métropolitaine) .Source : Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche, Edition 2006
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Dans un contexte de faible croissance économique, avec un chômage élevé des diplômés et une contrainte budgétaire forte, les gouvernements successifs ont choisi, avec la complicité des syndicats, de sacrifier les salaires. La profession devenant financièrement moins attractive, elle s'est féminisée (*). La féminisation et le chômage élevé des diplômés de l'université ont permis de réduire dramatiquement les salaires des professeurs sans trop affecter la qualité du recrutement. Du moins jusqu'à présent...
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(*) Note: les femmes enseignantes vivent dans des foyers en moyenne nettement plus aisés que leurs homologues masculins : ainsi, parmi les professeurs du secondaire public, 60 % des enseignantes sont mariées à un cadre ou un chef d'entreprise, contre 30 % des hommes. Cf. Les parcours professionnels dans le secondaire (pdf), par Yves Jabouin, VEI, sept. 2004, CNDP (Enquête réalisée entre 1992 et 1994 auprès de 2479 enseignants, dont 741 femmes et 551 hommes dans le secondaire public.)

9 commentaires:

Unknown a dit…

Deux remarques:
La comparaison du salaire des enseignants avec le salaire moyen ne prend pas en compte l'évolution énorme du niveau de diplôme moyen pendant la même période (leffet "t" du fameux GVT). Il est possible que ce soit l'ensemble des titulaires d'un bac+3 ou d'un bac+4 qui aient vu leurs conditions de rémunération se dégrader
Pendant la même période, les cadres du privé ont vu leur temps de travail hebdomadaire augmenter d'environ 2 heures par semaine (passan de 43 h à 45 h avant la loi Aubry) les environ 10 jours d'ARTT obtenues depuis ne faisant que compenser la hausse précédente.
Le cas des enseignants ne seraient alors qu'un exemple , frappant il est vrai, de l'arrêt de l'ascenceur social

Anonyme a dit…

L'analyse faite du decret de 1950 est éloquente et démontre que le situation des enseignants s'est dégradée, au moins sur un plan relatif c'est à dire avec une progression moindre que celle des autres salariés.

Par contre, le postulat de base du statut institué en 1950 est le ratio 1 heure d'enseignement pour 1,5 heure de préparation et d'actualisation des compétences.

C'est sur ce point qu'il vous faut négocier la réaménagement de votre statut. En effet, depuis 1950, les gains de productivité réalisés sur la préparation des cours et la réactualisation de vos connaissances liés aux nouvelles technologies pourraient être affectés à votre rémunération ; ainsi, en augmentant votre temps d'enseignement, 24h par exemple, votre rémunération pourrait augmenter proportionnellement, soit 33,3% dans l'exemple et le budget de l'éducation nationale pourrait supporté cette hausse par une réduction des effectifs possible avec la départs en retraite massif des prochaines années.

Anonyme a dit…

Par contre, le postulat de base du statut institué en 1950 est le ratio 1 heure d'enseignement pour 1,5 heure de préparation et d'actualisation des compétences.
L'argument semble séduisant. Toutefois... c'est oublier que le temps de travail des enseignants n'a cessé d'augmenter ces dernières années, en dehors des cours. Les classes sont en effet systématiquement (quand l'établissement le permet, c'est-à-dire que sa taille a une certaine importance) 35 élèves, parfois plus. La chose n'était pas aussi systématique il y a quelques décennies.
Plus important encore. Depuis quelques années les classes de niveau ont disparu. Du coup il faut gérer une hétérogénéité qui décuple les efforts nécessaires (et donc le temps de préparation) pour proposer un cours à peu près acceptable.
Ensuite le niveau global des élèves monte, c'est bien connu ! C'est bien entendu une antiphrase. Si bien que je passe chaque année de plus en plus de temps à corriger mes copies. Tout simplement parce qu'il faudrait corriger chaque mot (et je ne plaisante pas).
Les programmes changent de plus en plus fréquemment (il faut bien que les «pédagogos justifient le fait de ne pas se trouver face à des élèves sinon ils risqueraient de devoir de nouveau enseigner !).
Sans oublier la réunionite aigüe. On fait même des réunions pour planifier la date des réunions...
Et il ne s'agit pas d'un choix mais de décisions imposées par la hiérarchie.
Enfin (même si j'ai dû oublier de nombreux éléments montrant l'augmentation notable du temps de travail) de nombreux enseignants (près de 10% ont vu leur temps de travail exploser du fait de services partagés non règlementaires dans 2, 3, voire 4 établissements situés dans des communes non limitrophes. personnellement, 2 ans que j'enseigne dans 2 établissements situés à 100 km l'un de l'autre. 1/3 des 35 heures hebdomadaire pour aller d'un établissement à l'autre, sans frais de déplacement (salaire réduire de près de 30% !), sans que le temps de trajet soit comptabilisé comme du temps de travail (ce qui serait le cas dans le privé) et sans avoir le temps de déjeuner (car juste le temps d'aller d'un établissement à l'autre). Si on comptabilisait le temps de travail réel, le temps de travail exploserait. Si on comptabilisait les frais professionnels normalement à la charge de l'employeur mais jamais remboursé, le salaire réduirait fortement.
Bref, oui, les nouveaux médias ont permis des gains de productivité, dans mon cas. Parce que je maîtrise ces technologie (c'est loin d'être le cas pour tous si bien que ces technologies ont parfois un effet négatif sur la productivité !). Mais ces gains de productivité sont largement absorbés (ils sont même très insuffisants) par les changements incessants de programmes et tous les autres éléments développés plus haut.

Je suis enseignant. Je suis en général très modéré et il n'est pas rare que je fasse des journées de 12 heures. Mais là, c'en est assez. Si je peux ma satisfaire de ce que j'ai aujourd'hui, quand je projette l'évolution de ces dernières années sur le reste de ma carrière, je ne peux dire que STOP. En effet dans 10 ans j'aurai une charge de travail encore plus forte pour un salaire encore inférieur (-1% par an de pouvoir d’achat au moins en moyenne !). Il faudra bien un jour où l'autre clairement exposer le problème aux Français, avant que la baisse du taux de chômage explique une pénurie sans précédent d'enseignants (et comptez sur moi pour mettre mes compétences à disposition d'un employeur plus loyal dès que le marché du travail le permettra).

Un adhérent du SNSFP

Anonyme a dit…

Apres lecture de cette note et des différents commentaires, je n'ai de cesse de me dire que étant cadre supérieur dans la fonction publique, je suis actuellement moins payé que l'ensemble des professeurs... Sans compter être leur souffre douleur (gestion matériel..) et sous le joug de leur colère incessante, j'avoue être très perplexe sur les revendications d'ordre financière... D'un point de vue parent, je constate également (tout comme me l'a aussi démontré ma propre scolarité) un laxisme étonnant et un profit au heure supplémentaire assez affligeant!

Alors que vous revendiquiez une perte de salaire Oui je le conçois, mais par pitié, sortez vote tête en dehors de votre nombril et regarder aussi l'environnement social général de la France, vous n'êtes pas à plaindre!

Vous ne pouvez prendre en otage l'éducation sur de tel critère et si vous ne comprenez pas ça, changez de boulot !

Et puis apres tout, vous avez aussi un gain énorme de temps chez vous, 1.5 Heures... pour une heure élève, cela me fait bien rigoler...

A oui, vous êtes moins bien payé qu'a l'étranger?

Partez y!

LA population

Anonyme a dit…

enfin une excellente analyse la situation, qui devrait etre le livre de chevet des principaux responsables syndicaux enseignants...à force d'avoir jugées indécentes toutes revendications salariales valables voila le résultat !
la déroute commence d'ailleurs sous la 1ère ère socialiste, comme c'est bizarre, la droite n'a fait que continuer !
signé : un prof titulaire échelon 5 payé 1740 euros net fonctionnaire Cat A assimilé niveau master 2 cherchez l'erreur....

Anonyme a dit…

Je propose à "la population" (message ci dessus)
Tu dois surement avoir le diplôme requis pour une suppléance, juste une semaine avec des conseils de classes et des corrections, pour voir!!!

ISASCRAPFOREVER a dit…


Et 8 ans après qu'en est-il exactement ? je ne pense pas que nous ayons remonté notre pouvoir d'achat.
A corréler avec cet article très intéressant: http://www.journaldunet.com/economie/magazine/hausse-des-prix-depuis-50-ans/

Quant aux autres je leur dis : LE CONCOURS EST OUVERT , ALLEZ-Y !!! C'est bizarre pourquoi si le métier est si bien rémunéré y a - t il autant de postes vacants ?

Anonyme a dit…

Retraites amputées de 30%, par conséquent d’importantes pertes de revenus très prochainement alors que nos salaires sont déjà notoirement insuffisants et ce depuis longtemps.C’est tout simplement inacceptable et scandaleux.Que répond le gouvernement ? Il faudrait augmenter les salaires des enseignants…….d’ici une trentaine d’années.Si ce n’est pas une escroquerie cela y ressemble fort.De qui se moque-t-on ?

Anonyme a dit…

10 ans après cet article, les difficultés de recrutement des profs parlent pour elles-mêmes et valident la thèse de l'article. En comparaison des autres pays de l'OCDE les profs français sont moins payés que leurs homologues européens. Pour un pays qui se revendique de la tradition des Lumières et croit former des citoyens instruits, ça fait tout simplement pitié. Si c'était si bien, il n'y aurait pas tant de difficultés de recrutement malgré un chômage endémique. Et pour ceux qui ne sont pas convaincus, les concours sont effectivement ouverts, et pour une fois il y'a de nombreux postes vacances, libre à vous d'y aller.